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Le petit blog rouge-brun de Discipline.

Le petit livre «Orange» de Marine Le Pen

1 Mars 2013 , Rédigé par discipline-idf Publié dans #---> "Extreme(s) droite(s)"

1 mars 2013
Capture d'écran de l'émission de France 2 «Des Paroles et des actes» du 21 février où Marine Le Pen avait posé en évidence le livre à la couverture orange.
Capture d'écran de l'émission de France 2 «Des Paroles et des actes» du 21 février où Marine Le Pen avait posé en évidence le livre à la couverture orange. (DR)

 

Enquête La patronne du FN porte aux nues «La France orange mécanique», un ouvrage écrit sous pseudonyme, dépeignant sans nuances une France qui serait tombée dans l'ultraviolence.

Par LAURE EQUY
Libération

«Le livre est depuis quinze jours sur son bureau», a repéré un conseiller. La couverture orange fluo était aussi bien en vue à côté des fiches, devant Marine Le Pen, lors de l'émission «Des paroles et des actes». Le 8 février, la patronne du FN consacrait tout un communiqué vidéo pour inciter ses troupes à «absolument lire ce livre et le faire lire». Et une semaine plus tard, en conférence de presse, elle reprenait à son compte l’expression «l’ensauvagement d’une nation», faisant encore la promo de l’ouvrage auquel elle l’emprunte. Ce fameux livre, c’est La France Orange mécanique, succès sur les sites de vente en ligne depuis sa sortie mi-janvier - l’éditeur Ring pense avoir dépassé les 20 000 ventes.

 

 

L’essai de Laurent Obertone présenté comme une «enquête sur un sujet tabou» — l’état de la criminalité en France —, est-il le nouveau livre de chevet du Front national? Le trailer réalisé par Ring et la vidéo de Marine Le Pen ont été repris par de nombreux sites de fédérations frontistes et de militants. «Marine me l’a recommandé», raconte à Libération l’eurodéputé Bruno Gollnisch. Florian Philippot, numéro deux du parti, minimise: «Il n’y a pas eu de débat particulier entre nous sur ce livre.»

Citation en exergue de Mohammed Merah, dédicace à «celles et ceux qui ne se relèveront pas», phrase-choc du type «pourquoi ce livre? Parce qu’aujourd’hui un simple regard peut tuer», etc. L’ouvrage ne fait pas dans la nuance. Loin de là. «Ce livre se lit comme un compte à rebours, vend l’auteur. Un décompte avant un décollage ou une explosion [...] Accrochez vos ceintures, enfilez vos lunettes 3D. Bienvenue dans la réalité.» «En France, l’horreur est quotidienne», brosse-t-il plus loin avant de lister sur quatre pages les faits divers trouvés dans la presse locale sur une «seule et unique journée». «La partie immergée de l’iceberg. Multipliez ça par 200 et vous obtiendrez un tableau assez proche de notre réalité quotidienne», conclut-il en surlignant ce que ces chiffres ont de «dérangeant».

Obertone finit par une longue et douteuse démonstration liant délinquance et immigration et revendique «le droit de parler des malfaiteurs roms [ou] de la criminalité d’une frange de la communauté maghrébine en précisant évidemment qu’il ne s’agit que de variations de pourcentages». Sa conclusion: «On peut calculer ce que serait l’insécurité française sans la part cumulée des franges criminalisées issus des communautés maghrébines, ex-yougoslaves, roumaines et subsahariennes. Elle se réduirait d'environ 60%.» Des chiffres et assertions décortiqués — et démontés — dans une analyse très documentée de Médiapart (article payant) à laquelle a répondu l'intéressé sur Atlantico.

«Ce livre vous prend aux tripes»

Les caciques du FN, eux, applaudissent. Le livre «fait l’effet d’une bombe», s’emballe Bruno Gollnisch sur son blog, le 21 janvier, il «nous réveille comme une alarme dans une maison cambriolée», renchérit le député Gilbert Collard le même jour, il «vous prend aux tripes», pour Marine Le Pen.

La petite musique du «on vous cache tout, on vous dit rien», largement exploitée dans le livre, a convaincu les lecteurs du parti d’extrême droite qui se fait fort lui-même de «dire tout haut...» et de lutter contre la «bien-pensance». «Il y a là tout ce que l’on n’ose pas nous dire, cela confirme nos constats. Non, on n’a pas affaire à un "sentiment d’insécurité" mais à une vraie guerre des gangs», développe un élu FN. «Ce n’est pas les Evangiles mais c’est vrai qu’il brise des tabous de notre société», complète Gollnisch.

L’eurodéputé vante notamment le propos sur «l’immigration qui, en tant que phénomène social, est un facteur d’augmentation de la délinquance». Il déplore: «C’est interdit de l’affirmer sous peine de sanction pénale. Mais on ne dit pas que tous les immigrés sont des délinquants et les Français des petits saints.»

«Spirale à emmerdements»

Dans sa vidéo, Marine Le Pen, elle, se félicite que l’auteur se place «du côté des victimes» et s’empresse d’ajouter que le FN «sera toujours du côté de la victime, du côté des faibles». En chœur, Gollnisch et Le Pen se voient confortés dans leur critique du «gaucho-laxisme» sur le dossier de la sécurité et estiment que ce «travail sérieux, documenté» dit-elle, valide le discours du parti. La patronne du FN cite partout les chiffres en quatrième de couverture tirés, insiste-elle, de l’Observatoire national de la délinquance: «Toutes les 24 heures, 13000 vols, 2000 agressions, 200 viols.»

Un livre aux airs de joli cadeau au FN? L’auteur, contacté par Libération, dit s’étonner des louanges des frontistes et met en avant les critiques qu’il leur adresse dans La France Orange mécanique. Comme: «Le Front national de Marine Le Pen ne propose rien qui permette de sortir de la spirale à emmerdements. [...] Hormis un discours cohérent sur la sécurité, l’immigration et l’espace Schengen, son programme relève du gauchisme social.»

Pas assez à l’extrême droite à son goût? Lui «espère au contraire que les responsables de gauche et de droite vont réagir et ne pas laisser ce sujet au FN» et raconte avoir reçu un mail positif en privé d’un «responsable d'un petit parti». Laurent Obertone – un pseudo pour ne pas «mêler [sa] famille à [son] travail» – jure n’avoir «aucun engagement politique ou associatif». Il avance le même argument pour relativiser le parcours de Xavier Raufer ancien du mouvement d'extrême droite Occident , le criminologue qui signe sa préface. «Ça fait quarante ans qu’il n’a pas d’engagement politique, il y a prescription», défend Obertone.

Mais une enquête de Mediapart éclaire les positions politiques du journaliste de 28 ans à la lumière de ses anciens écrits trouvés sur la Toile. Connu dans la blogosphère d’extrême droite sous les pseudos «l’Ubiquiste» ou «le Pélicastre jouisseur», il y évoque notamment «l’intelligence limitée» des Noirs, se lamente qu’on «ne [puisse] plus dire que trop d’immigrés posent des problèmes» ou fait «l’éloge de l’apartheid», selon Mediapart qui a retrouvé des archives de ce blog et des commentaires postés sur le Web. L’intéressé dément: ce vendredi matin, dans un billet publié à nouveau par Atlantico et intitulé «Non, je n'ai jamais été blogueur d'extrême droite», Laurent Obertone entend porter plainte contre Mediapart et dénonce un «échafaud(age) d’hypothèses jamais étayées par la moindre preuve». Avançant un lien immigration-délinquance, Obertone, prenant des pincettes, écrivait, dans son livre, combien il regrettait de devoir faire ce «constat navrant» «pour nous qui sommes très proches des combats antiracistes». On semble très loin de ce profil.

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