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Le petit blog rouge-brun de Discipline.

Voile intégral, polygamie: comment un fait divers devient une controverse politique

27 Avril 2010 , Rédigé par discipline-idf Publié dans #ISLAM - ISLAMISME - ISLAMISATION

e gouvernement va-t-il à nouveau légiférer, à la suite d'une affaire particulière et fortement médiatisée touchant un Français musulman? Eric Besson, lundi 26 avril, a annoncé une possible "évolution législative" sur les conditions de déchéance de la nationalité, après un week-end marqué par la controverse autour du cas d'un Nantais soupçonné de polygamie. Décryptage de cette affaire, où l'opposition dénonce une "manipulation", au moment où la droite essaie de reconquérir son électorat le plus radical après le fiasco des régionales.

Comment l'affaire est-elle passée de la femme à son conjoint? L'affaire débute, vendredi 23 avril, quand une jeune femme de 31 ans, résidant à Rezé, près de Nantes (Loire-Atlantique), a organisé une conférence de presse pour contester une contravention de 22 euros, ayant sanctionné, le 2 avril, une conduite automobile, "dans des conditions non aisées", en raison du port d'un voile intégral.

 

Le soir, le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, alerté par la préfecture, adresse un courrier à Eric Besson, ministre de l'immigration et de l'intégration, lui demandant d'examiner les conditions dans lesquelles le conjoint de cette femme, Liès Hebbadj, présent lors de la conférence de presse, pourrait être déchu de sa nationalité française, en raison, notamment, de soupçons de polygamie. Une pratique interdite en France.

Qu'est-il exactement reproché à M.Hebbadj? Le ministre de l'intérieur reproche plusieurs choses à M.Hebbadj, âgé de 35 ans: d'appartenir à une "mouvance radicale" de l'islam, le "tabligh", de "vivre en situation de polygamie avec quatre femmes dont il aurait eu douze enfants". Chacune de ces femmes, en outre, "bénéficierait de l'allocation parent isolé", ce qui constituerait une fraude. M.Hortefeux demande à M.Besson de "bien vouloir faire étudier les conditions dans lesquelles, si ces faits étaient confirmés, l'intéressé pourrait être déchu de la nationalité française".
Lundi 26 avril au matin, aucune poursuite judiciaire n'avait encore été ouverte à l'encontre de M.Hebbadj. La préfecture de Loire-Atlantique était toujours en train de réunir les éléments à charge, selon le directeur de cabinet, Patrick Lapouze. Le procureur de la République de Nantes, M.Ronsin, a confirmé n'être pour l'heure saisi d'aucune plainte de la part de la caisse d'allocations familiales "concernant d'éventuels soupçons de fraude".
"La seule procédure que nous avons pour l'instant concerne l'affaire du timbre-amende de l'automobiliste", poursuit M.Ronsin. Selon nos informations, le ministère de l'intérieur aurait aussi été averti de fréquents voyages de M.Hebbadj dans des pays soupçonnés d'accueillir les activités de militants islamistes.

Est-il possible de déchoir M.Hebbadj de sa nationalité? Les conditions pour "déchoir" une personne de sa nationalité sont très strictes et régies par l'article 25 du code civil. En l'occurrence, seul un crime ou un délit tel que l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou le terrorisme peuvent le permettre.

Il est toutefois possible de "perdre" sa nationalité, s'il est démontré qu'elle a été obtenue par "mensonge ou par fraude", conformément à l'article27-2 du Code civil. C'est ce dernier article qui semble le mieux approprié aux soupçons pesant sur M.Hebbadj. Natif d'Algérie, il pourrait "perdre" la nationalité française qu'il aurait acquise par mariage avec la femme verbalisée, en 1999, s'il est démontré qu'il a menti à l'administration française à cette époque, ne révélant pas qu'il était déjà marié civilement à d'autres femmes.

Pour sortir de l'incertitude juridique, M.Besson a indiqué lundi 26 avril sur RTL, qu'il envisageait une "évolution législative" sur les conditions de déchéance de la nationalité. Cela pourrait se faire via son projet de loi relatif à la nationalité et à l'intégration, adopté en Conseil des ministres le 31mars.

Dimanche 25 avril, lors de l'émission "Internationales", sur TV5, en partenariat avec RFI et Le Monde, il avait précisé que "la procédure de déchéance de la nationalité française ne pourrait avoir lieu qu'après une éventuelle condamnation par la justice".

Dans quel contexte intervient cette polémique? Cette affaire de niqab et de soupçons de polygamie et de fraude aux allocations intervient en plein débat sur l'interdiction du voile intégral en France. Nicolas Sarkozy a tranché, mercredi 21 avril, en faveur d'une loi d'interdiction générale sur le territoire. Le gouvernement doit élaborer un projet de loi qui pourrait être présenté à la mi-mai en conseil des ministres.

Que reproche la gauche au gouvernement? Jean-Marc Ayrault, le maire (PS) de Nantes, s'étonne que le gouvernement fasse mine de découvrir, à propos de M.Hebbadj, une situation, selon lui, "connue depuis longtemps par les services de l'Etat". "Le gouvernement avait annoncé qu'il voulait parvenir à un consensus autour du projet de loi visant à interdire le port du voile intégral. Là, il arrive à l'effet inverse. Il [veut] faire diversion alors qu'il y a de gros dossiers comme les retraites et l'emploi qui sont en souffrance. C'était la même chose avec le débat sur l'identité nationale qui n'avait qu'un seul objectif: conquérir l'électorat du Front national", estime M.Ayrault.

Pour François Hollande (PS), il s'agit d'un "fait divers, qui mérite qu'on aille jusqu'au bout des investigations". Pour lui, "le ministre de l'intérieur a voulu faire de la politique". Selon Julien Dray (PS), il s'agit "d'un scénario de dramatisation d'une situation". "Que la droite joue avec ça, n'est pas une bonne méthode", juge de son côté Manuel Valls (PS). Marie-George Buffet, la secrétaire nationale du PCF, dénonce, elle, "une opération politicienne du plus mauvais goût".

Que répond la droite? L'initiative de M.Hortefeux est défendue par de nombreuses personnalités de droite. Pour M.Besson, "ce qui a déclenché l'affaire ce n'est pas la demande que m'a adressée Brice Hortefeux vendredi mais le fait que cette dame ait choisi, avec son mari, son compagnon, de faire une conférence de presse pour contester la contravention qu'elle a reçue".

Xavier Bertrand, le secrétaire général de l'UMP, estime que "ce qu'a dit Brice Hortefeux est frappé au coin du bon sens et rappelle qu'en France, il y a des droits et des devoirs". "Brice Hortefeux a raison de mettre les pieds dans le plat", juge Jean-François Copé, le patron des députés UMP.

M.Hortefeux a aussi reçu le soutien de Jean-Marie Le Pen (FN): "Les caisses sociales françaises sont pillées littéralement par des milliers, des dizaines de milliers de gens qui profitent indûment de nos législations."

 

 

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A la mosquée Arrahma de Nantes, la crainte d'"une stigmatisation systématique" de l'islam

 

A la mosquée Arrahma - "miséricorde" en arabe - ouverte le 1er septembre 2009, au nord de Nantes, l'ambiance est plutôt paisible en ce dimanche 25 avril. Plus de huit cents fidèles s'y pressent. Pas de niqab ni de burqa en vue. Les porte-parole du collectif des cinq mosquées ont d'emblée qualifié "d'événement insignifiant et non représentatif" l'affaire dont tous les médias se sont emparés pendant le week-end : Liès Hebbadj, Français de 35 ans de confession musulmane, vivant à Rezé, banlieue nantaise, est menacé par le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, d'être déchu de la nationalité française car soupçonné d'être polygame et d'avoir perçu indûment des allocations sociales. Il est apparu au grand jour, vendredi, en assistant sa conjointe qui contestait une amende de 22 euros dont elle avait écopé parce qu'elle conduisait en portant le niqab.

 

Chez les fidèles, on s'inquiète de "la stigmatisation systématique" de l'islam. "Le niveau du débat en France atteint le troisième sous-sol, commente, écoeuré, Aziz, magasinier de 32 ans, marié, deux enfants. Cette histoire, le gouvernement la sort de son chapeau pour camoufler l'échec de sa politique sociale. C'est une provocation, une attaque de plus qui tombe comme par hasard en plein débat sur l'interdiction du port de la burqa."

Pour Rachid, fonctionnaire de 34 ans, marié, trois enfants. "les musulmans de France ont d'autres préoccupations que cet homme qui se retrouve au centre de l'actualité et ne représente que lui-même." D'une voix lasse, Mariama, 29 ans, employée dans un supermarché, déplore qu'"on pointe toujours du doigt les personnes qui se prétendent musulmanes et qui font des choses mal" alors que "nous, on se lève comme tout le monde pour aller travailler, on s'occupe de nos enfants, de la maison !". Mariée et mère d'un enfant, la jeune femme se dit "opposée au port du voile intégral d'un point de vue personnel" mais aussi à toute loi d'interdiction." Là encore, on fait du bruit autour de cas ultra-minoritaires. En fait, c'est l'islam qui dérange en France."

La polémique autour des multiples femmes supposées de Liès Hebbadj est également balayée d'un revers de main : "L'islam tolère effectivement la polygamie. Mais combien d'hommes non musulmans trompent leurs femmes ? Dans pareil cas, personne ne trouve rien à redire..."

Ce dimanche après-midi, les fidèles écoutent l'islamologue controversé Tariq Ramadan, venu parler du "vivre ensemble" à l'occasion d'une conférence programmée de longue date. "Il faut rester serein, lance M. Ramadan. On ne va pas s'exciter sur le sujet, on ne va pas tomber dans ce piège-là." Cependant, il accuse M. Hortefeux de "trahir les valeurs de la France" et fustige : "D'une contravention à 22 euros, on a fait une controverse nationale. Ça en dit long sur l'état du pays et l'atmosphère malsaine qui y règne. Car avec cette affaire, on n'est pas en train de s'approcher des thèses du Front national, on est en plein dedans."

Contacté, Liès Hebbadj a annoncé qu'il ne commenterait l'affaire qu'après avoir rencontré son avocat, ce lundi. A Nantes, l'homme s'est impliqué dans la gestion d'un taxiphone et d'une librairie. Depuis peu, il s'occupe d'une boucherie-épicerie halal. Soupçonné par le ministre de l'intérieur d'appartenir à la mouvance radicale Tabligh, il préside une association cultuelle qui porte un projet de mosquée à Rezé. Ses voisins le décrivent comme un "homme respectueux", naviguant "entre trois maisons très proches" et vivant "plutôt en vase clos." De nombreux enfants vont et viennent entre les domiciles, "la famille ne pose pas de problème"

 

 

Lemonde.fr

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