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Le petit blog rouge-brun de Discipline.

La Grèce se révolte contre la Troïka, le Parlement se couche

15 Février 2012 , Rédigé par discipline-idf Publié dans #---> Union Européenne

Philippe Cohen - Marianne | Lundi 13 Février 2012


Malgré la démission de six ministres et d'importantes manifestations, le Parlement grec a adopté l'incroyable plan d'austérité de la Troïka, qui impose une baisse des salaires de 22% dans le secteur privé. A 23 heures 30, le vote du plan s'accomplissait alors que 100 000 manifestants encerclaient le Parlement et que de nombreux bâtiments, notamment de banques avaient pris feux après des jets de cocktails Molotov.




En ce dimanche 12 février, le Parlement grec devait adopter la dernière feuille de route de la Troïka, d'une insondable cruauté, en fait un chantage pur et simple : en cas de refus du Parlement grec d'adopter ledit plan, la Troïka ne libèrerait pas les 130 milliards d'euros de prêt et les salaires des fonctionnaires ne pourraient pas être versés en mars. Mais ce plan a provoqué une énorme mobilisation à Athènes où dimanche soir, 100 000 (estimation AFP) à 200 000 (France 2) manifestants ont convergé au centre ville et encerclé le Parlement, certains harcelant la police tandis que d'autres mettaient en feu des immeubles de la capitale, une cinquantaine au total dont des banques, la bibliothèque nationale et le plus vieux cinéma de la ville. Selon des photos expédiés par des reporters et relayés sur twitter, les affrontements semblaient très violents entre manifestants et policiers : 56 blessés parmi les manifestants, une trentaine parmi les 8000 policiers dépêchés sur place. Les pompiers ne sont pas parvenus, par ailleurs, à éteindre plusieurs incendies à cause de la présence de manifestants.

A Salonique, deuxième ville du pays, la manifestation a rassemblé 20 000 personnes et une demi- douzaine d'établissements bancaires ont été incendiés. Conclusion de Mikis Theodorakis qui a rejoint les manifestants : « Les députés s'apprêtent à voter des mesures qui vont conduire à la mort de la Grèce (...) mais le peuple ne va pas céder ».
Le peuple peut-être pas mais ses représentants ont voté le plan vers 23 heures. Ainsi la coupure est peut-être devenue définitive, entre une assemblée qui obéit à une troïka illégitime contre ceux qui l'ont élue.


Avant même les manifestations du jour, la plan avait provoqué la démission d'une demi-douzaine de ministres. En avril 2010, un premier plan d'austérité avait imposé une hausse de la TVA à 23%, la suppression de deux mois de salaire pour les fonctionnaires, ainsi que le gel de leurs salaires pour trois ans. En novembre dernier, Papandreou avait dû céder la place à un ancien dirigeant de la banque centrale européenne, Papademos, après avoir brandi la menace d'un référendum refusé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.

Las, trois ans d'austérité ont plus que démontré l'impéritie des remèdes de cheval pronés par la Troïka formée par l'Union européenne, la BCE et le FMI. Le déficit de la grèce et la dette souveraine du pays n'ont fait que se creuser alors que l'Etat a bradé ses « bijoux de famille ». L'économiste Karine Berger a résumé la situation sur son blog : « La dette grecque est passée de 263 milliards en 2008 à 355 milliards en 2011. Le Pib grec est lui passé de 233 milliards à 218 milliards. Le chômage de 8% à 18%.Et avec un taux d’intérêt officiel à 32%, il va de soi que la Grèce ne peut plus se financer du tout sur les marchés ».Quiconque revient de Grèce est catastrophé par l'observation conrète de ce qui se passe dans le pays et que reconte régulièrement dans ces colonnes le blogueur Greek Crisis, Panagiotis Grigoriou, historien et ethnologue.

Article actualisé le 13 février à 8 heures.

Mais l'aveuglement et l'indifférence au réel est l'une des caractéristiques les plus remarquables de l'idéologie. D'où l'incroyable plan d'économie de 3 milliards d'euros imposé par la Troïka et dicté en fait par Angela Merkel : une baisse des salaires dans le secteur privé de 22% via une diminution du Smic et le rabot d'un certain nombre de conventions collecives, la suppression dans l'année de 15.000 emplois publics et des coupes sur certaines pensions de retraite. Ceci alors que durant les deux dernières années, les salaires nets ont reculé en moyenne de 14,6 %, et de près de 30% dans l’industrie du tourisme sinistrée.

Ce nouveau plan aboutira à plafonner le Smic à 600 euros dans un pays où les prix ont continué à augmenter, notamment à cause de la hausse de la TVA. Mais même à ce tarif, les salariés grecs seront encore loin d'être aussi compétitifs que les ouvriers chinois restés scotchés, eux à un salaire mensuel de 100 euros ou un peu plus.

C'était en 1967. Le peuple grec venait de subir un coup d'Etat. Et quand on était de gauche, il était de bon ton de ne pas, de ne plus se rendre en vacances dans ce pays qui subissait le joug de la dictature des colonnels. Plus tard on apprit que les boycotts de dictature pouvaient s'avérer contre-productifs, contribuant à couper la population dominée du monde. Qu'importe, cette réaction marquait la solidarité des gens de gauche.
Nous ne sommes plus - ou pas encore, les Grecs parlent pourtant d'une nouvelle dictature - au temps des colonels. Mais on attend vainement un geste de solidarité des dirigeants de la gauche. La Grèce est bien absente des discours de François Hollande et d'Eva Joly, qui évoquait enfin dimanche soir la situation grecque sur twitter. La gauche devrait pourtant méditer l'aventure des socialistes grecs qui pèsent aujourd'hui moins de 10% dans les sondages ! Dimanche soir sur France 2, François Bayrou a été contraint de se désolidariser de la politique européenne. Il aurait fallu selon lui étaler dans le temps la dette grecque et lui octroyer des taux d'intérêt qui lui permettent de rembourser sans étrangler l'économie.

En réalité, la situation de la Grèce devrait susciter l'émotion bien au delà de la gauche : la mécanique d'austérité et de baisse des salaires dans le privé - un comble dans une économie de marché ! - devrait provoquer un débat dans tous les partis français et même européens. Cette même mécanique d'austérité absurde, qui ruine les comptes publics en accentiant les déficits qu'elle prétend réduire, est mise en place dans toute la périphérie de l'Europe - au Portugal, en Irlande - sans rencontrer beaucoup plus de succès : il y avait encore plus de manifestants à Lisbonne qu'à Athènes, où ils étaient plusieurs dizaines de milliers malgré les grèves des transports. Jusqu'où Nicolas Sarkozy et Angela Merkel poursuivront-ils une politique économique dont l'échec crève les yeux et qui va entrainer l'Allemagne et la France dans la récession ? Le réveil des peuples d'Europe a peut-être commencé ce dimanche à Athènes. Il faut en tout cas l'espérer pour enrayer la mécanique mortifère de Merkozie.
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